Burn-In: Présentéisme au travail, prélude du burn-out

Le prélude au burn-out : le burn-in!

Burn-In. Le présentéisme au travail constitue l’une des principales préoccupations des entreprises canadiennes comptant plus de 250 employés, mentionne une récente enquête de Watson Wyatt Canada, ce qui place ce phénomène au 7e rang des préoccupations des employeurs. Au tout premier rang, tout juste avant le vieillissement de la main-d’œuvre : la santé mentale des travailleurs. Ce sont pourtant deux phénomènes connexes. « Les employeurs sont encore peu familier avec le concept de présentéisme», opine Claudine Ducharme, conseillère en gestion de soins de santé et gestion de l’invalidité chez Watson Wyatt Canada.burn-out after burn-in

Globalement, le présentéisme pourrait se définir comme étant le fait, pour un travailleur, d’être au boulot alors que sa santé physique ou mentale ne le lui permet pas, pour cause de grippe, de dépression ou de burn-outdéguisé.

« S’absenter pour cause de rhume ou de grippe constitue une bonne pratique de prévention, affirme même Claudine Ducharme. Cela permet à l’employé de se remettre en forme plus rapidement et d’éviter de propager le virus à tout le service dans lequel il travaille. »

Le burn-in a une signification plus restrictive que le présentéisme en ce qu’il ne comprend que les cas où la santé mentale de la personne devrait l’amener à s ‘absenter du travail. C’est en ce sens qu’il constitue un prélude au burn-out si rien n’est fait pour corriger le tir.

Pour « simplifier » les choses, soulignons que la bible des professionnels de la santé, le Diagnostic and statistical manuel (DSM), ne reconnaît ni le présentéisme, ni le burn-in, ni le burn-out. « Au plan clinique, souligne le Dr Denis Boucher, coprésident de Whittom et Boucher, une firme spécialisée en gestion de l’invalidité, de la santé et de la productivité au travail, on posera plutôt un diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur dépressive ou humeur anxio-dépressive. Tel est le pendant clinique du burn-out. »

Cette définition est partiellement en porte-à-faux avec la réalité. Elle fait porter au seul individu une problématique qui trouve à tout le moins partiellement son origine dans une culture déficiente de l’entreprise. Certes certains individus ont-ils une plus grande aptitude à la résilience, cela ne change en rien la responsabilité des dirigeants lorsque la culture d’entreprise est en cause.

Les prédispositions organisationnelles au burn-in

Le Dr Boucher perçoit deux sources principales au burn-in : une latitude décisionnelle insuffisante et des objectifs de performance inadéquats.

Il décrit ainsi le premier écueil : « Le cadre impose beaucoup de travail à l’employé, mais ne lui donne aucune marge de manœuvre dans la façon de le réaliser. L’employé perd sa liberté d’action, augmentant ainsi son niveau de stress. Il se retrouve dans une situation d’ambiguité face à la confiance qu’on lui accorde et se sent dévalorisé. C’est l’un des facteurs les plus dramatiques menant au burn-in. »

Le deuxième aspect commence à ressortir de la littérature scientifique : les entreprises ont une idée de la performance à laquelle ils s’attendent de leurs employés, mais rares sont celles qui la définissent clairement. Résultat : « Elles nomment des gens à des postes clés, mais en fonction d’objectifs obscurs, souligne le Dr Boucher. Elles reprochent ensuite aux employés de ne pas atteindre les buts visés. De leur côté, les employés mènent trop d’activités de front et ne vont nulle part. Ils perdent confiance en eux, se démotivent et atteignent la dépression. Ils entrent alors dans une phase de burn-in. Si rien n’est fait pour corriger la situation, ce sera le burn-out. »

Les préoccupations face aux problèmes psychologiques au travail ont beaucoup évolué depuis cinq ans. Est-ce un leg de la restructuration des entreprises des années 90 qui a laissé les « survivants » avec de trop lourdes charges de travail? Non, croit le Dr Boucher. « Ce n’est pas la charge de travail qui tue quelqu’un, c’est la latitude décisionnelle qui l’accompagne. »

Pour Julie Carignan, psychologue organisationnelle et associée à la Société Pierre-Boucher, de multiples causes peuvent mener au burn-in, y compris la charge de travail.

Elle illustre un cas vécu dans une entreprise de haute technologie. La compagnie avait reçu un important contrat à livrer dans des délais très rapides. Pour mener le projet à terme, l’entreprise avait fait appel aux meilleurs éléments de chacune de ses équipes de travail. Elle leur faisait grandement confiance, et laissait toute latitude dans la façon d’atteindre les objectifs. Pourtant, plusieurs membres de l’équipe d’élite ont abandonné le travail pour cause de burn-out.

« Comme c’est souvent le cas, constate Julie Carignan, lors de notre évaluation des causes de burn-out, nous avons pris conscience du nombre important de burn-in. 95% des membres demeurés au travail ne dormaient que quatre heures par nuit, sept jours sur sept. »

Plus encore, 97% des membres de l’équipe estimaient que l’échéancier de travail était irréaliste. Toutefois, personne ne l’avait avoué. « Les gens ne se permettaient pas d’exprimer ouvertement des doutes sur le caractère irréaliste du projet, précise Julie Carignan. Ils craignaient que l’entreprise perde confiance en eux. Nous avons pu dresser ce constat lors de rencontres individuelles et confidentielles avec les employés; plusieurs étaient stressés au point d’éclater en sanglots. »

Pour régler le problème, l’entreprise a organisé des rencontres avec l’équipe de travail et incité les employés à s’exprimer en toute confiance. L’échéancier a été revu.

Cas exceptionnel de surcharge de travail? Pas sûr! « Lorsqu’elle est malade, la personne surchargée de travail tend à se dire que la situation sera pire le lendemain si elle prend congé, illustre Julie Carignan. Si la surcharge perdure, peu à peu, la détresse psychologique et l’épuisement professionnel peuvent s’installer. »

Le tabou de la vulnérabilité peut mener au burn-in. La psychologue professionnelle mentionne le cas d’une entreprise où 70% des cadres affrontaient un problème d’épuisement. « La culture d’entreprise était en cause, souligne Julie Carignan. Les cadres qui manifestaient une vulnérabilité étaient socialement expulsés de leur groupe. Ils n’étaient plus reconnus par leurs pairs, étaient isolés. L’entreprise honorait les personnes qui se tuaient au boulot. Il s’agit là d’un phénomène très dangereux, et pour l’individu et pour l’entreprise. Chaque profession comporte ses enjeux et ses risques. Or, je ne voudrais pas me faire opérer par un chirurgien en épuisement professionnel. »

Quand 70% des cadres d’une entreprise sont en burn-in, le risque d’éclatement de l’organisation est grand. Le changement de mentalité s’est opéré sur une période de quelques années. « L’entreprise a entre autres organisé des ateliers de sensibilisation pour forcer le dialogue sur les zones de vulnérabilité au travail, précise Julie Carignan. Les gestionnaires ont aussi reçu une formation pour améliorer leur proximité avec les gens, pour améliorer leur sens de l’écoute, de tolérance et du soutien. »

Comment prévenir? Comment corriger le tir?

« On prévient le burn-in de la même façon que le burn-out », estime le Dr Boucher. Selon lui, les seules entreprises aptes au changement sont celles qui se fixent des objectifs de performance clairs. « Une telle démarche oblige la remise en question des mentalités, annonce-t-il, sans quoi les objectifs ne seront pas atteints. » Il illustre cette démarche en prenant l’exemple de la personne qui veut perdre du poids : se fixer des objectifs précis et réalistes, évaluer les moyens à prendre pour les atteindre et mettre en place le processus de changement.

Pour Julie Carignan, il s’agit aussi d’une culture d’entreprise. « Les dirigeants de l’entreprise croient-ils fermement que le bien-être d’une organisation passe entre autres par le bien-être des employés qui y travaillent? C’est le premier niveau d’intervention, sans quoi, les autres paliers ne suivront pas. »

Les responsables des ressources humaines peuvent agir à titre de coach auprès des gestionnaires. « Souvent, souligne la psychologue organisationnelle, la personne qui dispose du meilleur levier pour détecter le présentéisme, c’est le patron immédiat. Il doit comprendre qu’une absence de deux jours peut éviter un congé de maladie éventuel beaucoup plus long. Idéalement, il devrait être apte à détecter les symptômes : une personne en burn-in ne s’en vante généralement pas. »

Certaines entreprises envoient annuellement en questionnaire à leurs employés. Confidentielles, les réponses permettent de faire le point, de corriger le tir, de prévenir.

Ce qui peut sembler évident à énoncer est beaucoup plus complexe à implanter. « Ce qui est le plus difficile à changer, ce sont les mentalités, prévient le Dr Boucher. C’est vrai pour la gestion des employés comme pour toutes les habitudes de la vie. J’observe que les gestionnaires perdront beaucoup d’argent en efficacité au travail, en épuisement professionnel des salariés, en revenus et en profits avant de changer leurs manières de faire, surtout s’ils les ont eux-mêmes implantées. Ce qui est encore plus fascinant, c’est de constater à quel point la communication est une science complexes. Ce sont les meilleurs gestionnaires qui acceptent de changer. Ils témoignent ainsi de leur capacité à se remettre en question et reconnaissent qu’ils n’ont pas le monopole de la connaissance. »

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